Chili : Grève dans la plus grosse mine de cuivre au monde

Santiago du Chili – Les travailleurs d’Escondida au Chili, la plus grosse mine de cuivre au monde, propriété de l’anglo-australien BHP Billiton, ont entamé ce jeudi une grève “dure” pour demander des hausses de salaires, un conflit qui inquiète les marchés.

“La grève a commencé, une première équipe n’allant pas travailler et une deuxième équipe s’apprêtant à faire de même”, a déclaré à l’AFP Carlos Allendes, porte-parole du Syndicat des travailleurs d’Escondida.

La grève avait été approuvée par “99,9%” des quelque 2.500 salariés d’Escondida, après des semaines de négociations avec l’actionnaire principal, a-t-il dit.

Cette mine du nord du Chili produit environ 927.000 tonnes de métal rouge par an, soit 5% de l’offre mondiale.

“L’entreprise maintient une position inflexible. Ca sera (un conflit) dur. Nous sommes disposés à résister le temps qui sera nécessaire”, a prévenu M. Allendes.

Dès mercredi, les employés avaient commencé à arrêter certaines des machines de l’énorme complexe minier et à abandonner leurs postes.

Les mineurs, qui travaillent douze heures quotidiennes pendant 7 jours puis se reposent une semaine, ont installé un campement provisoire à l’extérieur de la mine et constitué un fonds de soutien de 250 millions de pesos (390.000 dollars).

BHP Billiton, principal actionnaire de la mine, a annoncé la suspension de la production pour au moins les 15 premiers jours du mouvement, qui pourrait durer plus longtemps que celui de 2006 (25 jours). Le groupe a demandé à ses travailleurs d’éviter les actes de “violence”.

L’entreprise refuse de céder aux exigences des employés, qui réclament une hausse de 7% des salaires et un bonus de 25 millions de pesos (près de 39.000 dollars) chacun, contre 8 millions proposés par la direction, sans augmentation de salaires.

“La mine d’Escondida a les travailleurs les mieux payés du Chili, avec des salaires moyens de 150.000 dollars par an”, explique à l’AFP Gustavo Lagos, expert du secteur à l’Université catholique.

Mais Escondida a souffert de la chute des cours du cuivre, plombés par l’essoufflement de la demande chinoise, ce qui avait poussé BHP Billiton à licencier une centaine d’employés début 2016 et à réduire les bonus et autres avantages des salariés.

Le sort de ce site de production stratégique inquiète les marchés, qui craignent une hausse des prix –d’autant que la situation semble également instable dans la deuxième mine du monde, Grasberg en Indonésie, gérée par l’américain Freeport-McMoRan, après de nouvelles réglementations minières.

“Une grève à Escondida serait importante, à cause de l’effet direct sur la production et l’équilibre du marché, mais également à cause de son poids symbolique, alors que les négociations (salariales) prévues cette année pourraient affecter 2,5 millions de tonnes” d’extraction de cuivre, soit 12% de la production mondiale, souligne Dane Davis, de Barclays.

Toutefois, “les grèves de 2011 et de 2006 n’ont duré que deux et quatre semaines respectivement. Par ailleurs, les réserves de cuivre sont à des niveaux importants”, tempèrent les experts de Natixis.

Le cours du cuivre a fortement augmenté fin 2016, profitant de la perspective de chantiers d’infrastructures aux Etats-Unis après l’élection de Donald Trump, pour gagner 30% en moins d’un mois, à 6.045,50 dollars la tonne fin novembre. Les prix se maintiennent depuis autour de ce niveau, le plus haut en un an et demi.

La Chine, premier consommateur mondial, pourrait pâtir “de pénuries saisonnières” liées à la grève mais le soudain renchérissement des cours ne suffira pas à décourager sa demande, indique à l’AFP Chris Wu, analyste du cabinet CRU.

Les entreprises chinoises “n’ont pas le choix, car les stocks de cuivre concentré dans le pays peuvent être un recours pour quelques jours, mais pas trois mois”, ajoute-t-elle.

Or, après une période difficile sur fond d’essoufflement économique, le géant asiatique a retrouvé l’appétit en 2016 (importations record de cuivre à 4,95 millions de tonnes), dopé par un boom du marché immobilier et par un gonflement des dépenses de Pékin dans les infrastructures.

Pour autant, le récent sursaut des importations (+30% sur un mois en décembre) pourrait faire long feu: la croissance chinoise patine, le régime prône un rééquilibrage économique au détriment des industries lourdes, et le gouvernement endetté “ne peut maintenir un tel niveau de dépenses d’infrastructures”, insiste Mme Wu.

Crédit photo : Jorge Muñoz

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