Soupçons de financement libyen: Nicolas Sarkozy placé en garde à vue

Paris – La campagne présidentielle victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007 a-t-elle profité de financements libyens? L’ex-chef de l’Etat a été placé en garde à vue ce mardi, pour la première fois dans ce dossier sur lequel les juges enquêtent depuis cinq ans.

L’ancien président est entendu depuis mardi matin par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, près de Paris, a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête, confirmant une information du Monde et de Mediapart.

A l’issue de cette garde à vue, qui peut durer jusqu’à 48 heures, il peut être remis en liberté, présenté à un juge en vue d’une éventuelle mise en examen ou convoqué ultérieurement.

Brice Hortefeux, un très proche qui fut son ministre de l’Intérieur, est pour sa part entendu en audition libre, selon une source proche du dossier.

Cette nouvelle étape marque un coup d’accélérateur dans ce dossier tentaculaire instruit par des magistrats du pôle financier.

Les juges s’intéressent à des flux financiers impliquant des protagonistes liés au régime de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi. D’anciens dignitaires de Tripoli et l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takkiedine ont évoqué la thèse de versements au profit de la campagne de Nicolas Sarkozy.

D’autres responsables de ce pays les ont démentis et l’ancien chef de l’Etat a toujours rejeté ces accusations.

L’enquête, ouverte notamment pour détournements de fonds publics et corruption active et passive, a été élargie en janvier à des faits présumés de “financement illégal de campagne électorale“, a indiqué une autre source proche du dossier à l’AFP. En septembre 2017, les policiers anticorruption de l’OCLCIFF avaient remis aux juges un rapport qui pointait la circulation d’espèces dans l’entourage de Sarkozy durant la campagne 2007.

Interrogés par les enquêteurs, Éric Woerth, trésorier de la campagne présidentielle, et son adjoint chargé de la distribution des enveloppes, Vincent Talvas, ont répondu que l’argent provenait de dons anonymes, pour un montant global entre 30.000 et 35.000 euros.

Une justification contestée au cours d’autres auditions, dont celle de la personne chargée du courrier reçu à l’UMP durant cette campagne présidentielle, qui a déclaré n’avoir “jamais vu de courrier arrivant qui contenait des espèces“.

L’affaire a éclaté en 2012 après la publication par Mediapart d’une note attribuée à Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, laissant penser à un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.

Dans ce dossier, l’ex-secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant a été mis en examen pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Les magistrats s’interrogent sur un virement de 500.000 euros perçu par M. Guéant en mars 2008, en provenance d’une société d’un avocat malaisien. Il a toujours affirmé qu’il s’agissait du fruit de la vente de deux tableaux.

Trois valises avec 5 millions d’euros 

L’avocat de Claude Guéant a relevé mardi que l’ancien président “aurait pu tout à fait être entendu sous le régime de l’audition libre“.

Il n’y a pas d’élément dans le dossier qui justifie aujourd’hui une telle mesure spectaculaire de garde à vue. Après cinq ans d’enquête, on n’arrive toujours pas à prouver qu’un seul centime d’argent libyen a été versé à Nicolas Sarkozy“, a ajouté Philippe Bouchez El Ghozi.

L’enquête avait déjà connu une accélération en novembre 2016 avec les déclarations fracassantes à Mediapart de l’homme d’affaires Ziad Takieddine, qui a assuré avoir remis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et à son directeur de cabinet Claude Guéant -qui ont farouchement démenti-, trois valises contenant 5 millions d’euros en provenance du régime Kadhafi, entre novembre 2006 et début 2007.

Les juges s’interrogent également sur la vente suspecte en 2009 d’une villa située à Mougins (Alpes-Maritimes), pour environ 10 millions d’euros, à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien argentier du régime.

Les enquêteurs soupçonnent l’homme d’affaires Alexandre Djouhri d’être le véritable propriétaire et vendeur de ce bien et de s’être entendu avec Bachir Saleh pour fixer un prix d’achat “très surévalué“.

Actuellement en exil, M. Saleh, que la justice française souhaite interroger dans le cadre de cette affaire, a été blessé par balles fin février en Afrique du Sud. Il est visé par un mandat d’arrêt international.

Quant à Alexandre Djouhri, il a été arrêté en janvier à Londres en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice française et incarcéré. Souffrant de problèmes cardiaques, il est hospitalisé depuis une dizaine de jours à Londres, selon une source proche de l’enquête.

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